Le permis de conduire

Etant résidente marocaine, j’ai un choix qui se pose devant moi : soit j’échange mon permis belge (procédure de durée indéterminée, qui demande des allers-retours fréquents avec l’administration locale pour avoir un cachet ou récupérer son permis le temps de rentrer pour les vacances, et sans garantie de récupérer mon permis de conduire le jour où je quitte le Maroc)… ou je passe le permis marocain (formalité qui prend deux mois)…
J’ai donc choisi de repasser mon permis et me disant que c’était l’occasion de vivre cette “formalité” aux couleurs locales…
Petit compte-rendu:

Première étape: prise de renseignements et inscription

Au mois de janvier, une fois l’auto-école trouvée (chose pas si évidente que ça), je pose quelques questions au directeur pour être certaine de savoir dans quoi je m’embarque… Il m’explique que le prix que je paie comprend : les timbres (taxes) pour l’administration, la visite médicale, des heures de cours théorique (Combien? Com ti veux Mdame! Machi mouchkil*…), la passation du code (2 fois…au cas où …), les heures de cours de conduite sur la voiture de l’auto-école (Combien? Com ti veux Mdame! Machi mouchkil*…), la passation de l’examen de conduite (2 fois… au cas où…).
Je lui demande aussi si lors du code, il y a des “fautes graves”.
-“Fautes grave? Toutes les fautes sont graves!”.
– Oui, mais des fautes qui comptent double?
– Ah ça! Non Mdam! Sinon, personne réussit!
– …

*Pa di problem!

Deuxième étape: visite médicale

Dans le forfait payé à l’auto-école, était comprise la visite médicale par un médecin homologué à deux pas (ou un peu plus) de l’école… Le directeur de l’auto-école propose gentiment de m’y conduire. J’accepte et heureusement! car, le cabinet était dans un quartier très populaire où il vaut mieux se montrer sûre de soi et de savoir où l’on va… IMG_3353Bref, me voilà installée dans la salle d’attente (pour combien de temps?) par le directeur qui me laisse pour retourner au bureau. Je commence par relire mon code sans trop faire attention à mon environnement… Jusqu’au moment où je lève les yeux pour regarder autour de moi.Je me demande alors si je suis bien au bon endroit… entre le poster de sensibilisation à la sècheresse vaginale, le local de circoncision et la photo d'”auto- circoncision” (qui m’a franchement bien fait rire), je me demande où je suis. Après 1 heure (ponctuée toutes le 10 minutes par les cris (insultes?) d’un homme caché derrière la porte “circoncision” que je n’aurai donc jamais vu! Par contre, j’ai bien vu les autres patients de la salle d’attente rire dans leur barbe dès qu’il se faisait entendre en darija), la secrétaire m’invite à m’installer dans le cabinet du médecin. Elle me propose gentiment de m’asseoir sur le lit médical recouvert d’un papier de protection jetable qui n’avait clairement pas été remplacé depuis longtemps. IMG_3354

J’atterris dans une pièce où l’on retrouve toutes les machines ou outils caractéristique de chaque spécialité de médecine ( balance pour bébé, une sombre machine pour regarder l’intérieur des yeux?, appareil à échographie, pharmacie qui déborde de médicaments…) et le fameux tableau lumineux avec les “E” tournés dans tous les sens pour faire l’examen d’acuité visuelle… Ouf, je suis bien au bon endroit! Et j’avais tout le loisir de regarder le tableau de “E” et de mémoriser les lignes plus difficiles par coeur en attendant le médecin… homologué!

Entre alors le médecin à la rigueur -je le cite- mi-li-taire! Il m’accueille chaleureusement avec un voix qui porte (je pense que tout le cabinet sait que je suis belge). Ensuite, il m’explique que, maintenant, pour le permis marocain, ce n’est plus qu’un simple examen de la vue , non, c’est bien plus sérieux, c’est une revue de l’état de santé générale du candidat. Il enchaîne alors directement en me demandant si je suis un traitement quelconque (je lui réponds que non), il me répond alors en me toisant de haut en bas : “C’est vrai, vous avez l’air d’être sportive, passons à l’examen de la vue… C’est un examen suédois, ce sont les Suédois qui l’ont inventé (NDR : tout ce qui est européen a tendance à être plus crédible).” Il me place à 2 m du tableau lumineux et me tend alors une paire de lunettes pour enfant (dont un des verres est occulté). Je les enfile, il me montre trois “E” (un grand, un moyen et un petit) avec sa baguette télescopique. Il me demande alors de mettre les lunettes à l’envers pour masquer l’autre oeil, il me montre à nouveau trois “E”  que je déchiffre sans trop de soucis (étant à 2 mètres!!). Il me félicite, m’annonce que tout est en ordre, que l’auto-école se chargera du reste, me donne sa carte de visite “en cas de besoin!, je suis diplômé de l’université de Strasbourg de France” (référence européenne, ça donne du poids…), me raccompagne jusqu’à la porte et la ferme derrière moi…
Entre le moment où il est entré dans le cabinet et le moment où j’en suis sortie, ce sont maximum… 4 minutes et 30 secondes (présentations incluses) qui se sont écoulées… Temps record pour une “visite médicale sérieuse…”

Troisième étape: le code.

Pour préparer l’examen théorique, l’école met à disposition un ordinateur sur lequel tourne en boucle un DVD qui explique le code de la route, en darija ou en français (approximatif) de manière très pédagogique. Viennent ensuite, les séances d’exercices  (simulation d’examen) et les questions à choix multiples.

Tout cela est très bien en théorie mais le problème c’est qu’entre les erreurs d’impressions dans le code, les fautes dans les exercices et les approximations des moniteurs, pas toujours évident de s’y retrouver…

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Et puis, il y a les voix off des exercices qui lisent une autre question que celle qui est affichée ou même qui proposent d’autres choix multiples! Et puis, il y a évidemment les questions dont on se demande d’où elles sortent…

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Bref, me sentant plus ou moins prête et étant le jour de l’examen (le 17 avril), je me rends au Centre d’immatriculation bien tôt (en espérant passer dans les premières) avec mon amie Charlotte pour passer ce fameux code!
A 11h15, après près de 3h d’attente, Charlotte demande quand sera notre tour. C’est là qu’on nous annonce qu’il y a un horaire affiché dans le bureau d’à côté… Après avoir fait 3 bureaux et demandé à 3 gardiens, Charlotte revient à 11h30 m’annonçant qu’elle devait passer à 10h et moi à 10h30… Nous voilà bien avancées! Quand j’en parle au moniteur de l’auto-école qui passait par là, il me répond “Rendez-vous marocain Madame!” avec un grand sourire… oui, oui, c’est ça!
Le coup de 12h30 sonne quand “Charlotte” est appelée, la foule se tourne vers nous en la montrant du doigt : elle est là (ben oui, on est les 2 seules européennes à se lancer dans ce genre d’histoire qui semble sans fin!). Il est 13h30 quand je me fais appeler et 14h20 quand je sors avec mon code et la date pour mon examen pratique qui m’a été imposée avant même que je puisse ouvrir la bouche pour annoncer que je ne serai pas là :
– “Le 17 août… Venez avec vos billets d’avion si vous n’êtes pas là et on pourra avancer la date!”
– “Alors autant l’avancer tout de suite non?”
– “Non!”

Bref, plus de 6 heures d’attente pour passer un examen où j’ai appris à 11h30 que j’avais rendez-vous à 10h30, pour obtenir mon code et une date de permis pratique dans 4 mois où je sais que je ne pourrai pas être présente…
Autant pour ma formalité de 2 mois…

Quatrième étape : LE cours de conduite

Mon code en poche, je me lance dans la conduite. Je demande un rendez-vous pour un cours, juste pour être certaine de saisir toutes les petites choses à savoir quand on conduit au Maroc. L’heure du rendez-vous a sonné, je m’installe dans un vieille Peugeot qui affiche plus de 150 000km au compteur, 2 jeux de pédales et 2 volants, évidemment, un siège conducteur complètement défoncé et impossible à régler. Le moniteur sort la voiture et m’emmène dans un quartier résidentiel où il me rend les commandes. On roule un petit quart d’heure et il me ramène à l’école. C’est bon je suis prête!
Je me rends alors au bureau des immatriculations pour faire avancer la date de l’examen pratique. Lors de l’attente, j’en profite pour admirer l’ordre qui règne autour de moi…

Ma nouvelle date en poche et approchant ( à peine une semaine plus tard), je repars faire un dernier cours (de manoeuvres cette fois).

Etape 5 : L’examen pratique

Le matin de l’examen, qui est sans rendez-vous cette fois, on arrive 1 heure avant l’ouverture du centre pour éviter de se retrouver dans une file kilométrique…

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Heureusement, on passe assez rapidement. Je commence par les manoeuvres. A mi-parcours, je vois l’examinateur parapher mon dossier. Je venais de réussir cette partie de l’examen avant même de l’avoir entièrement passée.
Vient ensuite l’épreuve de la route. L’examinateur rentre dans ma voiture et me demande de prendre à droite en sortant. Le gardien arrête la circulation pour me laisser la voie libre, un fois lancée, on me presse pour aller plus vite (mais j’avais bien retenu la leçon de ne pas passer la 4ème). Arrivée au feu, il me demande de faire demi-tour et de rentrer dans la parking. Même pas 3 minutes de conduite.

Une fois arrêtée, il signe un petit document et me le donne… Mon permis! Hamdoulilah!

Je n’ai plus “qu’à”, aller faire une double signature sur mon petit papier et aller l’échanger dans 2 mois contre le vrai permis définitif! Inch’Allah!